Les Mondes étranges du handicap

Paroles d‘un parent militant.

Il est des Mondes que nous traversons sans jamais les comprendre totalement, des univers où chaque instant résonne d’une étrangeté, d’une recherche d’explications de sens singulières.

Ce samedi après-midi 22 juin 2024, j’ai consacré un long temps à une assemblée générale, miroir d’une grande association du handicap.

Magnifique exercice et expression d’une belle force collective, face au vent, un combat entre le diktat de la gestion et le rappel de l’essentiel.

On y relatait la vie, les difficultés, les défis et les espoirs, mais aussi les luttes silencieuses et les victoires publiques et secrètes, les ententes et partenariats possibles et impossibles.

J’y ai vu, fièrement, un bel événement présentant un engagement fort et j’ai entendu une magnifique profession de foi, de celles qui font chaud au cœur.

Ce matin de dimanche 23 juin 2024, en réveillant mon fils handicapé, je me suis assis au bord de son lit pour lui parler de ce monde d’hier, de ces mondes, de son monde, de ce qu’il espérait pour cette journée.

À travers ses yeux encore fermés qui écoutaient, par des paroles douces et en lui tenant gentiment les mains pour un mode de communication dédié, j’ai cherché à comprendre la réalité qu’il perçoit, cette mosaïque de sensations et d’émotions qui lui est propre.

Mais ce que j’ai entendu lors de cette assemblée, et ce que je vois dans son regard particulièrement attentif, semblent appartenir à des réalités distinctes, des dimensions que rien ne lie.

Ces mondes étranges du handicap, ces sphères où se mêlent défis quotidiens et aspirations singulières, semblent ne jamais se rejoindre.

Est-ce là une malédiction ? Un caprice du destin qui nous impose ces espaces disjoints ?

Peut-être est-ce simplement la nature de notre compréhension limitée, incapable de saisir la totalité de ces vies parallèles.

Tous les mondes de la différence sont étranges, certes, mais ils sont aussi d’une richesse insondable. Ils nous invitent à une introspection profonde, à un regard neuf sur la diversité de l’expérience humaine.

L’apparent de l’apparat Normé est une perpétuelle scène qui cachent ce qu’on ne sait pas dire, ce qu’on n’arrive pas à dire,  ce qu’on n’ose pas dire,  ce qu’il ne faut pas dire, ce qu’il faut être pour un pourquoi énigmatique.

En acceptant de ne pas tout comprendre, peut-être pourrions-nous commencer à percevoir les ponts invisibles qui, malgré tout, relient ces mondes en apparence si éloignés.

Peut-être devrions-nous, en obsession, vérifier la convergence de ces mondes, essayer de tendre la main, de prêter l’oreille et d’écouter véritablement ce qui ne s’entend pas, les douleurs et les espoirs silencieux, les attentes et les rêves.

« Rien pour Eux, sans Eux ». Par ceux qui étaient là, avec voix, et par ceux qui ne l’étaient pas, sans voix, tous nous réinvitent à revoir en permanence tout cela.

En assemblée, en qualité de parents “accroché” et inquiet, je n’ai pas osé poser une question de peur qu’elle ne soit pas comprise, qu’elle soit hors de l’ambiance créée, alors la voilà :

En définitive, notre association peut-elle s’engager moralement et juridiquement à soutenir, avec d’autres institutions, la mise en place d’une organisation solide et permanente autour de chaque personne vulnérable, pour qu’elle soit défendue et protégée à vie par des personnes de confiance, et pour qu’on s’occupe en permanence de sa situation, maintenant et après nous – parents et amis – , quand nous ne serons plus là ?

C’est chose faite, et je pense que toutes les familles, les parents et amis s’en inquiètent.

Le SENS ne se place pas en dernier. Il est premier. C’est bien par là que tout doit commencer et se réaffirmer.

C’est le seul enjeu qui sied.